De l'écriture et de la publication.
03 Sept, 2024
/Qui ne voit que j'ai pris une route par laquelle, sans cesse et sans travail, j'irai autant qu'il y aura d'encre et de papier au monde?/
Michel de Montaigne, Les Essais.
Je n'ai jamais réellement cessé d'écrire, malgré le ralentissement exponentiel qui m'a touché depuis mes 16 ans. Je me rappelle avoir eu une fougue incroyable dans la production poétique, lorsque je commençais. J'imagine que j'avais une masse d'encre accumulée dans ma gorge qui devait s'echapper au plus vite dans un raz-de-marée gigantesque mais très bref. Le problème du raz-de-marée, c'est que son eau est infecte. En réalité, j'ai toujours eu cette ambition un peu vaniteuse de publier mes poèmes, de les montrer au plus de monde possible. Il m'est donc arrivé à plusieurs reprises de faire des listes de mes écrits favoris; qui n'ont jamais mené nulle part. Il y a quelques jours, j'ai réitéré l'experience pour la première fois depuis que je suis entré en Hypokhâgne.
/Les études ça vous change, ça fait l'orgueil d'un homme. Il faut bien passer par là pour entrer dans le fond de la vie. Avant, on tourne autour seulement./
Louis Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit.
J'ai tout relu. Depuis 2019. J'ai pas compté le nombre de productions, mais il était assez conséquent. Cependant, je trouvais tout imbuvable, comme de l'eau de mer, donc. Trop de prétention et de phrases alambiquées pour rien; un culte de la métrique qui n'avait aucun sens... Je déteste tout ce que j'ai écrit. C'est une tragédie. Heureusement, je ne suis pas russe, donc je n'ai pas pour projet de faire un feu de joie avec mes premiers écrits de jeunesse. Les historiens et archivistes peuvent en être surs. Cependant, je trouve qu'il n'y a aucune valeur littéraire là dedans, et je crois que je m'enorgueillissais trop pour pas grand chose. Aujourd'hui,
/Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’un bon rythme suffit pour faire un bon poème ; qu’on fasse longue une syllabe brève si cela plaît, je ne m’y oppose pas ; si les idées émises sont riantes, s’il y a de l’esprit et du jugement, je dirai : voilà un bon poète, sauf à ajouter : mais un mauvais versificateur./
Michel de Montaigne, Les Essais.
Je me demande si je devrais poster quelques poèmes sur ce blog. Au moins le peu que j'aime. Ce serait comme un petit recueil de poésie. Une revanche sur mes ambitions démesurées. Parfois, je me pose, avec un bout de verre dans la main, et je me dis que j'ai des rêves bien ridicules. Je me fais penser à Nantas.
/Il y avait, chez Nantas, une ambition entêtée de fortune, qu'il tenait de sa mère. C'était un garçon de décision prompte, de volonté froide. Tout jeune il disait être une force./
Emile Zola, Nantas.
Il veut aller à Paris, comme moi, pour fuir sa famille et ne plus en entendre parler. Il est aussi très sur de lui. C'est quelque chose que j'ai perdu avec la prépa. Je me sens plus humble depuis que je me suis mangé mon premier 7/20 en espagnol. Ca change un homme.
Ma meilleure amie m'a toujours supporté dans mes projets poétques. C'est un ange. Elle m'a demandé, il y a peu, de lui donner un carnet dans lequel j'aurais écrit tous mes poèmes qu'elle aime le plus. Je viendrai chez elle avec des centaines de feuilles pour qu'elle se décide sur ceux qu'elle veut dans le carnet. C'est une demande qui me touche énormément. Elle ne peut pas se rendre compte d'à quel point ça signifie beaucoup pour moi, qui avais dédié toute une partie de ma vie à mettre au clair mes sentiments sur papier. J'ai hâte de voir ce qu'elle va penser des poèmes que je trouve horribles.
Je ne cesserai tout de même jamais d'écrire, c'est tout ce à quoi je peux m'accrocher pour laisser une trace de moi ici. C'est une ambition vaine et égoïste que j'assume pleinement. Nul n'est grand s'il n'a une once d'égoïsme.
/Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes toujours au-delà. La crainte, le désir, l’espérance, nous projettent vers l’avenir et nous ôtent le sens de ce qui est, pour nous distraire avec ce qui sera, même lorsque nous n’y serons plus./
Michel de Montaigne, Les Essais, "Nos façons d'être nous suivent".
Je veux écrire un recueil. Je n'ai pas trop envie d'en parler en profondeur ici, tant que ce n'est pas concrétisé. J'ai horreur des paroles en l'air.