Conseils d'écriture.

5 March, 2024 (oui)


Une règle d’or : Tout est sujet à poésie.


Il arrive que le poète se sente comme oppressé à l’idée d’un devoir d’écrire une pièce qui concerne quelque thématique noble, se voyant comme compressé sous le lourd héritage qui nous lègue aujourd’hui tant de noms aussi austères que les sujets traités dans leurs œuvres : Verlaine, Lamartine, Baudelaire, Ronsard… Il pense qu’il faut écrire sur l’amour, sur la mort, sur l’apport de la vertu dans nos vies, et cela, à tort. Le simple mot de poésie évoque certes, dans les esprits les plus scolaires, le chant des muses, la gloire de la beauté, de la nature ou d’autres noblesses incomparables et fort certainement louables. Malgré cela, pour celui qui souhaite s’immiscer dans l’essence même du poème, ces panégyriques classiques, ces thématiques logiques, ces sempiternelles redites deviennent bien vite quelque chose de fade, voire d’aigre-doux, pour l’amour qu’il peut porter à des objets et pour la lassitude qu’il en tire aussitôt. Ceci n’est pas, malgré les apparences sulfureuses, une invitation à détruire les conventions traditionnelles, mais plutôt une tentative d’ouvrir les yeux du néophyte. Il n’y a, en effet, pas de sujet qui soit plus méritant qu’un autre, dans la discipline poétique. Chaque thématique est égale devant l'œil incorruptible de celui qui est assez ouvert pour voir un intérêt esthétique en la moindre poésie. Il ne relève que de l’écrivain de décider de la valeur de ce qu’il traite. Ainsi, la première règle à respecter dans l’optique d’écrire sans chuter ni dans le poncif ni dans l’impersonnel, c’est de garder à l'esprit que la moindre parcelle de matière sensible ou idéale est un potentiel acteur principal dans une pièce lui étant dédiée. Il n’y a aucune peur à entretenir sur une quelconque impertinence ou bassesse du sujet mis sur le devant de la scène.
Car l’important est de plaquer du personnel sur ce que celui-ci remarque d’original.

IN STERQUILINIS INVENITUR




Le poème avance rarement à point nommé.


L’image est une chose importante car elle est l’un des objets visés lors de l’écriture. En effet, la composition poétique est avant tout un jonglage avec les sens, une mise à profit des synesthésies, et ce jeu tend par conséquent vers l’évocation d’une image. Il faut faire ouvrir les yeux sur une perspective propre, particulière. Les images sont donc un outil incontournable. Il faut aussi bien connaître les figurations populaires que savoir les invoquer en l’esprit du lecteur. Cependant, il persiste une image distincte, une perspective commune, constituante en maints esprits de l’idée problématique que l’on se fait du poète, dans sa solitude, travaillant au bureau, sa sueur sur le papier. Il est impératif de se défaire de ce préconçu. Et, dans le cas présent, il est aussi nécessaire d’avoir à l’esprit que l’écriture per se n’avance pas nécessairement parce que le poète se concentre dessus, ou car il se tient à un bureau avec la ferme idée de produire quelque chose. C’est, à vrai dire, lorsque l’on s’y attend le moins que le poème s'édifie. Quelques minutes avant de tomber dans les bras d’Orphée, au milieu d’une promenade au parc, dans l’ardeur sportive comme dans la contemplation méditative; le poème marche avec l’écrivain, sans forcément qu’il le sache, par ailleurs. Deux choses sont alors à comprendre. La première, c’est que notre manque d’inspiration n’est jamais dû à un manque de talent ou d’effort. Il serait vain de penser que l’on peut presser sa matière grise jusqu’à ce qu’en sorte un liquide miraculeux à badigeonner sur la feuille. La deuxième, c’est que la moindre formulation, la moindre mise en mots d’une idée mérite d’être enregistrée, dans un carnet, dans son téléphone. Un vers, une conception générale, des rimes qui inspirent… Tout doit être gardé quelque part pour être raccommodé dans un futur poème. L’écrivain ne doit pas se matagraboliser le cerveau pour donner naissance au poème. Sinon quoi il n’aura rien de naturel. La chose poétique fait son chemin avec nous.

NATURA NON FACIT SALTUS.

Il ne faut s’interdire aucune aide.


Écrivons-nous vraiment si on pioche son vocabulaire dans son dictionnaire de synonymes ? Écrivons-nous vraiment si on demande à l’internet sa prochaine
rime ? Question dont la réponse peut sembler évidente aux pessimistes. Cuisinons-nous vraiment si on demande un peu d’aide à Marmiton ? Cuisinons-nous vraiment si on suit d’une recette les directions ? Par cette analogie, semble-t-il, on apporte une perspective plus complexe. Ce qui compte n’est pas le mot, mais l’association qui se fait avec les autres qui l’entourent. Par conséquent, il ne faut pas que le poète s’empêche d’aller quérir de l’aide lors du processus d’écriture. L’entraide fait tenir les artistes entre eux, de toutes manières. Il relèverait de l’égo que de vouloir absolument pouvoir dire qu’une pièce n’est influencée par rien d’autre que soi. A la vérité, nous avons tous en tête des idées qui nous viennent, inconsciemment, d’autres œuvres. Alors pourquoi vouloir jouer l’ascète culturel ? Se laisser influencer, reprendre, se baser sur autrui, ce n’est pas un crime.

IMITATIO NON EST PECCATUM




Tu ne dois l’excellence à personne


Il faut pardonner à l’Homme d’être un homme. Écrire est une activité de l’otium, ce n’est pas un sport, une exhibition de ses capacités à quiconque. L’imperfection a donc sa place, elle reflète notre nature. Il est bon de connaître les formes poétiques, la métrique, les règles, comme il n’est pas grave de se tromper quand on tente de les appliquer. L’écrivain écrit d’abord pour lui, pour se décharger. Les idées qui lui viennent n’ont pas toujours besoin d’être polies, poncées, travaillées jusqu’à ce qu’elles soient la quintessence intellectuelle. Un vers peut se suffire à lui-même. Un paragraphe, une idée. Il n’y a pas de devoir du poète, ou de responsabilité monstre qui pèse au-dessus de ses épaules. Alors qu’il écrive, libre de tout jugement, car il ne doit la perfection qu’à lui-même, si le cœur l’en prend.

NULLI DEBES NISI TE IPSO