Du Rêve
28 Mai 2025
Longtemps je me suis amusé à cultiver le rêve. Dès mon plus jeune âge, je me plaisais à faire des cartes de mes songes, où chaque lieu visité y est connecté à un autre. Parfois j'y retournais, j'étais heureux. C'était mon aire de jeu en somme. Aujourd'hui, je suis pris de visions soudaines de ces lieux lointains et si proches; je me souviens brusquement du manège, du toboggan, des petits poissons noirs visibles depuis le quai. J'aimerais bien y retourner, voir s'ils vont bien, eux aussi, voir s'ils m'ont oubliés, eux.

Oublier un rêve est une tragédie; s'efforcer de s'en souvenir est une torture. Ses détails nous échappent progressivement comme lorsqu'on essaye d'attraper du sucre qui fond dans notre café. J'ai l'impression de perdre des grains de mon être, de mon intériorité la plus profonde; alors que je ne suis pourtant pas vraiment convaincu du lien entre rêves et inconscient. Certes, j'ai fait des rêves mémorables qui répondaient à des désirs très précis à certains moments de ma vie, comme celui-ci. Cependant il m'arrive des choses tant déconnectées de la réalité que je ne peux que douter de la pertinence de Freud et Jung.
/La grande défaite, en tout, c’est d’oublier, et surtout ce qui vous a fait crever, et de crever sans comprendre jamais jusqu’à quel point les hommes sont des vaches. Quand on sera au bord du trou faudra pas faire les malins nous autres, mais faudra pas oublier non plus, faudra raconter tout sans changer un mot, de ce qu’on a vu de plus vicieux chez les hommes et puis poser sa chique et puis descendre. Ça suffit comme boulot pour une vie tout entière. /
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit , 1932
Cette page aura pour but, si j'en ai le courage, de recenser les rêves marquants dont je me souviens encore aujourd'hui. Voici alors la liste de ce qui, je l'espère, sera une encyclopédie onirique de quelques rêves drôles :
Généralement, dans mes rêves, je suis seul. Ceux dont je me rappelle consistent généralement en de l'exploration d'espaces vides qui me marquent. Cependant, quand je vois des gens que je connais dans mes rêves, on dirait plutôt des fantômes, des négatifs de ces personnes; ils agissent toujours de manière opposée à ce que j'aurais attendu d'eux. Ainsi mes plus proches amis me rabaissent et les personnes les plus froides à mon égard tombent étrangement amoureuses de moi. L'empire du rêve est déroutant.
Un de mes instants préférés dans la vie, c'est lorsque, ne serait-ce que l'espace d'une minute, au réveil, on se sent toujours sous l'influence du songe. Le réveil brusque entraîne un éveil d'autant plus doux : c'est la confusion qui perdure, la réalisation progressive que nous venons de quitter un monde pour rejoindre celui qui nous appelle. Que ce soit dans la détresse ou l'allégresse, ce moment d'hésitation entre deux réalités est souvent plus intense encore que le rêve lui-même. C'est très plaisant.
Il serait sot d'enfermer le rêve dans le cadre de son lit. La plupart de nos rêves sont vécus en plein éveil, dans les heures de transitions (Dans un bus, pendant un cours...). Lui se rêve fleuriste dans un croquignolet quartier parisien, lui passe l'intégralité du film Shrek dans sa tête dans le silence le plus profond... Moi, j'ai une tour. Une magnifique tour de guet avec une bibliothèque humaniste, une pinacothèque, tout un tintouin tant souhaité, tout emprunté à ma vanité. J'essaye de ne pas trop y aller, histoire de ne pas trop m'y ennuyer dans l'éventualité où je l'achète un jour... Il ne faudrait pas que j'en sois lassé avant même de l'avoir n'est-ce-pas ? Ce serait con. Je me demande s'il y aura des machines qui nous projettent dans nos rêves comme avec les casques de réalité virtuelle. Quelque chose qui lise dans nos pensées et changerait le monde en conséquence. Ça fait peur, ça fait rêver.